Mercredi dernier 16 décembre, le gouvernement a montré un bien triste visage, dans la nuit, à l’Assemblée nationale, alors que se tenait les discussions autour du reporting public pays par pays, une mesure essentielle dans la lutte contre l’évasion fiscale. Le vote portait sur des amendements, déposés par des députés socialistes et écologistes, qui prévoyaient que les entreprises multinationales rendent publics chaque année leur chiffre d’affaire, leurs bénéfices, le nombre de leurs filiales et de leurs employés, et le montant des impôts payés, dans chacun des pays dans lesquels elles sont implantées. Après un premier vote de l’Assemblée favorable à la transparence fiscale, le gouvernement a manœuvré en coulisses, et a mobilisé des députés au milieu de la nuit pour un nouveau vote qui a finalement rejeté le reporting public pays par pays. Ce coup de force de l’exécutif ralentit dangereusement la lutte contre l’évasion fiscale.
Rappelons une chronologie de l’histoire. En avril 2013, le Président François Hollande faisait un discours en faveur d’une transparence accrue pour les banques mais aussi pour toutes les grandes entreprises multinationales. Voici ses propos : « Les banques françaises devront rendre publique, chaque année, la liste de toutes leurs filiales, partout dans le monde, et pays par pays. Elles devront indiquer la nature de leurs activités (…) L’ensemble de ces informations seront publiques et à la disposition de tous. Je veux que cette obligation soit également appliquée au niveau de l’Union européenne et, demain, étendue aux grandes entreprises ». Or, il y a 15 jours, dans le cadre de la première lecture du Projet de Loi de Finances Rectificatif, les députés avait adopté le reporting public, pays par pays. Une deuxième fois, vers minuit, mercredi dernier, ils ont voté en scrutin public en faveur de cet amendement. Mais, le gouvernement, sans doute poussé par le lobby des puissantes multinationales concernées, défavorable donc à cette mesure, a demandé une seconde délibération. Au terme d’une suspension de séance qui a duré plus de 40 minutes, et au cours de laquelle le gouvernement a orchestré les conditions d’un nouveau vote en sommant les députés de corriger le tir et en appelant d’autres à la rescousse, il a fait revoter l’Assemblée et a finalement obtenu le rejet de cet amendement, qui venait d’être voté quelques minutes auparavant.
Les organisations de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires, et notamment le CCFD-Terre Solidaire, Oxfam, Peuples Solidaires, rappellent que cette mesure, défendue depuis une dizaine d’années par la société civile, aurait obligé les entreprises françaises à rendre publiques des informations sur leurs activités et les impôts qu’elles paient dans tous les territoires où elles sont implantées. Elle aurait ainsi permis à la société civile dans son ensemble de savoir si les impôts payés par les entreprises correspondent à leur activité économique réelle. Sans cette mesure de transparence essentielle pour mettre fin à l’évasion fiscale, les entreprises continueront à construire des montages fiscaux artificiels dans le but d’échapper à l’impôt, et donc à priver les pays, aussi bien la France que les pays du Sud en développement, des recettes fiscales nécessaires au financement de leurs services publics. C’est donc la pauvreté et les inégalités qui vont continuer à croître, notamment dans les pays en développement qui souffrent particulièrement des pratiques d’évasion fiscale des entreprises multinationales. Les O.N.G. dénoncent donc avec fermeté ce passage en force d’un vote de reculade, et appellent les députés, qui étaient déjà mobilisés contre l’évasion fiscale, à poursuivre leur bataille, notamment dans le cadre de la Loi de Transparence à venir. Il nous revient d’être très attentifs à ces événements, souvent occultés et si importants ici et pour les plus pauvres !