Alors que la présence de personnes migrantes crée de plus en plus de tensions aux frontières italiennes ou grecques, à Calais ou encore à Paris, et faisant écho à la Journée mondiale des réfugiés du 20 juin dernier, le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France, qui rassemble 10 évêques en responsabilité, a lancé une interpellation, mercredi 17 juin, sur cette question qui nous concerne tous. Dans le même temps, trois autres évêques, au nom de leur charge particulière, s’adressent aux catholiques de France dans un message dont le titre est tiré du Deutéronome (10, 19) : « Aimez donc l’immigré, car au pays d’Egypte vous étiez des immigrés ».

Tout d’abord, le Conseil permanent de la conférence des évêques de France rappelle les multiples raisons souvent très dramatiques qui contraignent des populations à quitter leur pays où ils ne peuvent plus vivre dignement, ni en sécurité : ce sont les guerres, la misère, le dérèglement du climat. Comme l’a fait le pape François, les évêques parlent de « notre honte » devant ce qui se passe en méditerranée comme à Calais. Devant une situation qui va malheureusement continuer de s’aggraver, ils en appellent à la communauté nationale, à l’ensemble de la société qui est concernée. Et particulièrement, ils exhortent nos gouvernants à intensifier une coopération internationale à la hauteur des enjeux. Pour eux, l’Europe doit tout particulièrement assumer des responsabilités et appeler les pays qui la composent à apporter une réelle réponse. « C’est la dignité des personnes humaines qui est en jeu ».

Trois évêques aux charges particulières, ont communiqué aux chrétiens un message pour le dimanche 21 afin de changer de regard sur les migrants : Mgr Laurent Dognin, évêque de Quimper et Léon, de la Commission épiscopal pour la Mission Universelle de l’Eglise, Mgr Jacques Blaquart, évêque d’Orléans, du Conseil pour la solidarité, et Mgr Renauld de Dinechin, auxiliaire de Paris, de la Pastorale des Migrants. Devant les drames des migrants à la dérive en Méditerranée, prenant des risques extrêmes sur mer pour chercher une terre d’accueil, alors que trafiquants et parfois autorités étatiques ou forces armées se comportent avec une inhumanité que l’on croyait révolue, ils nous demandent de prendre du recul, et, au-delà de l’indignation et de l’émotion légitimes, de changer notre regard sur les migrants, de ne pas nous taire et d’agir en citoyens responsables auprès des autorités de l’Union Européenne qui se réuniront les 25 et 26 juin, jeudi et vendredi prochain.

Ils demandent de les considérer non comme des problèmes, mais comme des hommes, des femmes et des enfants, et de sortir d’une vue exclusivement sécuritaire qui instrumentalise leur personne, car la souveraineté d’un Etat n’est pas au-dessus du bien commun humain. En dédramatisant la question, ils rappellent que la France est aussi un pays de migrations réussies. Certes il ne faut nier les difficultés, et nos concitoyens connaissent aussi le chômage, le manque de toit, l’exclusion, la discrimination. Mais ce ne sont pas les migrants les responsables des maux sociaux : il faut chercher plutôt des moyens pour qu’ils deviennent un élément de la solution. La faillite est à imputer à des Etats d’origine qui n’ont pas fait, ou n’ont pas pu faire ce qu’il faut, ou à des Etats environnants ou lointains qui ont tout fait pour saigner ces pays. Des acteurs non étatiques ont joué et jouent encore un grand rôle : la famille, des associations, des collectivités locales, des services publics de proximité, comme les écoles. Il n’y a pas de recettes miracles, mais l’action commence par un changement de regard. Et les évêques de citer le livre de l’Exode (23,9) : « Tu n’opprimeras pas l’immigré : vous savez bien ce qu’est sa vie, car vous avez été, vous aussi, des immigrés au pays d’Egypte ».