Depuis plus de deux ans, les victimes de la catastrophe du Rana Plaza et leurs familles attendaient vainement que justice élémentaire leur soit rendue, par le versement d’indemnités pour les dommages considérables subis. Rappelons que le 24 avril 2013, dans un faubourg ouest de Dacca, capitale du Bangladesh, un immeuble de 8 étages, abritant plusieurs ateliers de confection employant un total d’environ 5 000 salariés, s’effondrait, provoquant 1 138 morts, essentiellement des femmes, et plus de 2 000 blessés. Ces ateliers travaillaient pour des grandes marques qui nous habillent, comme Auchan, Camaïeu, Carrefour ou Benetton. Comme aucun système légal de Responsabilité Sociétal des Entreprises donneuses d’ordre n’est pour l’heure en place, un fond d’indemnisation volontaire pour les victimes s’était créé, mais qui a mis du temps à mobiliser les versements des entreprises concernées, qui ne voulaient pas reconnaître, de fait, leur responsabilité dans la catastrophe, puisque aucune action en justice n’était possible à leur endroit.

Or, il y a une semaine, le 8 juin dernier, après 2 ans de pression, le fonds d’indemnisation des victimes du Rana Plaza a atteint la somme nécessaire pour garantir une indemnisation juste et complète des travailleurs et de leurs familles, soit 30 millions de dollars, après le versement réalisé par un donateur anonyme. Une victoire significative dans le combat pour l’accès des victimes à la justice. Le Collectif Ethique sur l’Etiquette (dont fait partie le C.C.F.D.-Terre Solidaire) se réjouit de cette annonce et rappelle que cette victoire n’aurait pu être obtenue sans une mobilisation continue de la société civile à travers le monde. Depuis le jour du drame, plusieurs millions de citoyens en Europe et dans le monde se sont mobilisés en solidarité avec les travailleurs, en faisant pression auprès des marques et enseignes d’habillement impliquées dans cette catastrophe industrielle sans précédent pour le secteur. Cette victoire souligne le cynisme de certaines d’entre elles qui ont attendu des mois avant de contribuer, sous la pression publique, à l’indemnisation des victimes d’un drame dont elles sont largement responsables. Il a ainsi fallu deux années pour que des multinationales réalisant des chiffres d’affaires en milliards rassemblent la somme modeste de 30 millions de dollars.

Aussi ce Collectif Ethique sur l’Etiquette rappelle que sans l’instauration d’une responsabilité juridique d’une entreprise donneuse d’ordre, pour les dommages qui pourraient être causés le long de sa chaîne de sous-traitance, l’accès des victimes à la réparation demeure quasi impossible. En effet, en raison de la mondialisation de ces dernières années, les multinationales se sont multipliées à travers le monde : leurs investissements par le biais de leurs filiales et leurs sous-traitants dans les pays du Sud ont été facilités par l’absence de contraintes en matière de main d’œuvre, de fiscalité et de droit du travail, puisqu’il n’existe pas encore de régulation, par des lois internationales contraignantes, des droits humains et environnementaux. Les députés français ont néanmoins fait un grand pas, le 30 mars dernier, en votant, en première lecture, un projet de loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre vis-à-vis de leurs filiales et de leurs sous-traitants dans les pays en développement. C’est un premier pas historique pour la défense des droits fondamentaux et de l’environnement. C’est pourquoi, il est maintenant plus qu’urgent que ce projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour du Sénat, et que les Sénateurs le votent rapidement, sans le vider de son contenu, pour qu’il puisse être adopté définitivement. Ce sera alors l’honneur de nos élus français d’avoir ouvert, dans le monde, une voie de justice universelle.