Une initiative née en 1998 au Brésil dans la capitale de l’Etat du Céara, Fortaleza, est devenue une référence en matière d’économie sociale et solidaire. Dans cette ville de 3 millions et demi d’habitants, un établissement bancaire d’un genre tout à fait particulier a changé l’économie et la vie des 30 000 personnes de Conjunto Palmeiras, une favela de Fortaleza, au nord-est du Brésil. D’ailleurs, comme souvent, nécessité fait loi ! A l’origine, il s’agissait d’une communauté de pêcheurs qui habitaient au bord de la mer, et qui ont été expulsés en 1973 par la mairie de la ville qui voulait construire à leur emplacement des hôtels et une marina, les expédiant dans les périphéries insalubres de Palmeiras, où ils n’ont trouvé que des terrains en friche, de la boue et des palmiers. Puis ils se sont organisés et ont lutté pour améliorer leur environnement. Ils ont obtenu des transports, l’eau, l’électricité et le téléphone, mais ils restaient pauvres. La raison en était simple : ils n’avaient pas d’argent ! La réflexion les a conduits à réfléchir à quel type de projet pourrait aider au développement économique de la communauté. C’est ainsi qu’est née l’idée d’une banque d’un genre tout à fait particulier : la Banco Palmas.
Ils s’étaient rendu compte que, même dans un quartier défavorisé comme le leur, il existait des ressources, comme les salaires de ceux qui travaillaient ailleurs, les retraites, les pensions, …, et que la pauvreté était largement due au fait que la majeure partie de ces revenus étaient dépensés à l’extérieur. D’où ce concept d’une banque spécifique de ce territoire et d’une monnaie qui n’a de valeur marchande que dans l’enceinte de Conjunto Plalmeiras, soit un territoire peuplé de 30 000 personnes. Pour les commerçants et artisans du quartier, le Palmas [c’est la monnaie locale] représent la garantie que l’argent des habitants est effectivement dépensé localement. En contrepartie, ils s’engagent à accorder des ristournes sur leurs produits et services. Du coup, les clients payent moins cher et les commerçants peuvent les fidéliser. Et surtout, l’argent circule localement, et peut être changé au guichet de la Banque Palmas. On peut donc, quand c’est nécessaire, changer ses Palmas en Réais –monnaie brésilienne – et inversement.
Un exemple du résultat positif est celui de Maria Dacilia de Lima Silva, cette couturière qui était lassée de passer 12 heures par jour à l’extérieur du Conjunto Palmeiras pour un travail mal payé, et qui fut l’une des premières clientes de la banque. Avec 11 autres couturières, en 1999, elle emprunte 15 000 reais (environ 4 650 €) et achète machines à coudre et tissus. Elles forment l’entreprise Palmafashion et vendent de plus en plus dans la communauté et sur les marchés environnants. L’entreprise est gérée comme une coopérative qui compte une quinzaine de personnes, percevant chacune 550 reais par mois (170 €), un peu plus que le salaire minimum. L’emprunt remboursé, elles confectionnent maintenant des jeans, et se réjouissent de travailler près de chez elles, d’être leur propres patronnes et de former d’autres jeunes. Les autorités brésiliennes ont d’abord poursuivi en justice cette appellation jugée illicite de Banque. Mais aujourd’hui, cette initiative est montrée comme un exemple de réussite et une solution pour pallier l’absence des institutions financières dans les quartiers défavorisés et dans les zones rurales enclavées de ce grand pays du Brésil grand comme 17 fois la France. En 15 ans, plus de 210 entreprises et près de 2 000 emplois ont été créés. Par la suite, 103 autres « Bancos Palmas » ont vu le jour dans le Nordeste brésilien. En 2013, le fondateur, Joaquim Melo a reçu le prix des Objectifs du Millénaire pour le Développement pour l’Institut Palmas. De tels projets et initiatives réalisées méritent bien que nous les soutenions !