126 évêques des cinq continents, dont 10 évêques français, ont publié mercredi dernier, 19 février, une déclaration solennelle pour appeler l’Union européenne à finaliser une législation sur l’exploitation des ressources qui alimentent les conflits. Voici leur déclaration liminaire : « Les entreprises vendent des produits contenant des ressources naturelles qui attisent la violence et provoquent des souffrances. Un devoir de diligence sur la chaîne d’approvisionnement s’impose afin de ne plus être complice du financement des conflits. Nous, dignitaires de l’Eglise catholique à travers le monde, appelons l’Union européenne à mettre un terme à cette situation ».

Dans un premier temps les évêques rappellent un principe et une situation : « Nous devons gérer les ressources de la terre en bons intendants, en apportant à ceux qui se trouvent de part et d’autre des chaînes d’approvisionnement mondiales des garanties quant à la moralité de notre système commercial. Dans certains pays du Sud, particulièrement ceux riches en ressources naturelles (minerais, bois, gaz, pétrole…), le contrôle, l’extraction, la transformation et le commerce de ces ressources, loin de contribuer au développement des pays concernés, financent des groupes armés et des forces militaires et dites « de sécurité » qui se rendent coupables de graves violation des droits de l’homme… Grande puissance commerciale, l’Union européenne importe une quantité importante de matières premières en provenance de zones en conflit. Par leur chaîne d’approvisionnement, certaines entreprises européennes se rendent donc complices d’abus… Les gouvernements, les citoyens et [les gens] d’affaires doivent par conséquent prendre leurs responsabilités et s’assurer que leurs entreprises s’approvisionnent en ressources naturelles de manière responsable ».

Ensuite les évêques soulignent quelques motifs de satisfaction. D’abord que la Commission européenne ait proposé en mars 2014 un projet de règlement européen s’appuyant sur « une stratégie pour le commerce responsable des minerais originaires de zone de conflits ou à haut risque […] destinée à mettre un terme à l’utilisation des recettes tirées de l’exploitation minière pour financer des conflits armés ». Ensuite que des avancées ont été obtenues en 2013 par les députés européens qui se sont battus pour la transparence des paiements dans l’industrie extractive. Mais, ajoutent-ils, «  le moment est maintenant venu de profiter de cette dynamique positive en instaurant des règles ambitieuses en matière de devoir de diligence des entreprises pour les ressources naturelles originaires de zone de conflits ou à haut risque. La section 1502 de la loi américaine Dodd-Frank adoptée en 2010 marque un tournant. Elle impose aux sociétés cotées en bourse aux Etats-Unis un devoir de diligence » dans ces domaines, particulièrement en République Démocratique du Congo. De même, les évêques saluent les recommandation du guide de l’OCDE pour un approvisionnement responsable.

La Commission européenne propose d’étendre ces obligations à toute zone risquée. Mais il faut maintenant aller plus loin. « Aux Philippines, au Zimbabwe, au Myanmar, et ailleurs, la souffrance des populations victimes de violence et d’atteintes à leurs droits de la part de groupes armés et de forces militaires et de sécurité qui contrôlent le cuivre, le diamant et d’autres ressources précieuses n’est pas différente de celle qui découle de l’extraction de l’étain, du tantale, du tungstène et de l’or. Il importe donc de prendre en compte l’ensemble des ressources naturelles qui entretiennent la violence et le conflit ».

Et les évêques terminent : « Une occasion unique s’offre aujourd’hui à l’Union européenne pour contribuer à la disparition des conflits violents liés aux ressources naturelles [-soit 40% de l’ensemble des conflits recensés dans le monde-]. Nous appelons les parlementaires et les gouvernements européens à relever ce défi. » - Chacun d’entre nous peut soutenir cet appel !