Chaque semaine, Jean-Michel Lastennet tient une chronique de quelques minutes sur l'antenne RCF Rivages.Cette chronique est une forme de plaidoyer pour le développement et la solidarité avec les pays du Sud et de l'Est, c'est pourquoi, avec l'accord de RCF Rivages, nous la reproduisons ici.
Dans la suite du scandale de Swissleaks, ONG et syndicats contre les sociétés écrans
Au cœur du scandale révélé par le journal Le Monde, que l’on appelle maintenant le Swissleaks, se trouvent les sociétés écrans, qui sont ces instruments bancaires qui permettent de cacher l’identité du propriétaire réel d’un compte ou d’une société. Il suffit d’un prête-nom ou d’un numéro, lesquels peuvent eux-mêmes créer d’autres comptes subsidiaires sous d’autres noms ou d’autres numéros, de sorte qu’il n’est plus possible de remonter la filière, et donc de pouvoir identifier le véritable propriétaire des fonds qui se soustrait à tout contrôle. La plate-forme Paradis Fiscaux et Judiciaires a lancé publiquement mercredi dernier 11 février une initiative citoyenne européenne pour demander à l’Union Européenne de les interdire. Cette plate-forme Paradis fiscaux et judiciaires est composée d’une vingtaine d’ONG et de syndicats, dont le CCFD-Terre Solidaire, Justice et Paix, le Réseau Foi et Justice Afrique Europe et le Secours Catholique Caritas France.
Après l’OffshoreLeaks, le Luxleaks, et bien d’autres scandales fiscaux, le Swissleaks est venu rappeler le rôle central de l’opacité dans les stratégies visant à éviter l’impôt. Les pratiques de la banque anglaise HSBC, et de sa filiale implantée en Suisse, rappellent aussi que cette opacité prend bien d’autres chemins que le simple secret bancaire. D’après l’enquête du Monde, le montant de la fraude fiscale opérée par cette banque en Suisse s’élève à 180 milliard d’euros. On peut aussi rappeler que l’évasion fiscale en France côute chaque année de 60 à 80 milliards d’euros à l’Etat.
Au-delà du secret bancaire, ce sont en particulier les trusts et les sociétés écrans qui sont au cœur du Swissleaks. Ce sont ces montages réalisés par les spécialistes de l’ingénierie juridique qui ont permis de protéger les fraudeurs du fisc, comme le blanchiment du crime organisé. Or, si la plupart des clients de HSBC disent aujourd’hui avoir régularisé leur situation, ces outils privilégiés de l’opacité restent le point aveugle de la lutte internationale engagée contre les paradis fiscaux. Plusieurs pays, y compris au cœur même de l’Europe, continuent d’offrir la possibilité de créer, en toute légalité, des sociétés avec des prête-noms de manière à cacher l’identité du bénéficiaire réel dans le but d’échapper au fisc ou à la justice. L’Union Européenne a récemment échoué à mettre en place un registre public de ces bénéficiaires. Or, toute réforme, qui n’intègrera pas la neutralisation de ces instruments juridiques criminogènes, est vouée à l’échec.
C’est dans ce contexte que la Plate-forme Paradis Fiscaux et Judiciaires a décidé de lancer publiquement une Initiative Citoyenne Européenne. Rappelons que l’initiative européenne est une invitation faite à la Commission européenne de présenter une proposition législative. L’initiative doit être soutenue par au moins un millions de citoyens européens issus d’au moins 7 pays différents parmi les 28 de l’Union Européenne. Cette initiative a été inscrite auprès de la Commission européenne par l’un des membres de la Plate-forme Paradis Fiscaux et Judiciaires : l’Observatoire Citoyen pour la Transparence Financière Internationale (OCTFI). Cette initiative a pour nom : « Pour une Europe plus juste, neutralisons les sociétés écrans ». Selon ses propres termes, son objet est clair et simple : « Introduire, dans un instrument juridique du droit des sociétés, des mesures visant à assurer la transparence des personnes morales et des constructions juridiques ». Le pari, désormais, est de réunir un million de signatures de citoyens de l’Union Européenne, d’ici octobre prochain, pour contraindre les institutions européennes à prendre la mesure de l’enjeu, et des dispositions appropriées pour y répondre. On peut se rendre sur le site du cccfd-terresolidaire.org, ou sur initiative citoyenne européenne : STOP aux sociétés écrans