TAFTA : le profit au détriment de l’intérêt général : reprise de « Faim et Développement » N°284
Depuis l’an dernier, Washington et Bruxelles négocient un traité commercial qui liera l’Europe aux Etats-Unis. Ce Partenariat Transatlantique pour le Commerce et l’Investissement (en initiales : T.T.I.P.) encore appelé T.A.F.T.A. (pour Trans-Atlantic Free Trade Agreement – Accord de Libre Echange Trans-Atlantique) est attendu avec impatience par les entreprises multinationales. Face à ce traité qui leur donne un pouvoir démesuré, la contestation citoyenne prend de l’ampleur. La Commission européenne négocie ce « Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement » (TAFTA) pour le compte des 28 Etats membres de l’Union Européenne. Pour préparer ces discussions, elle a rencontré plus d’une centaine de fois les lobbyistes des plus grands acteurs de l’industrie et de la finance, selon des documents internes obtenus par l’Observatoire européen des entreprises et l’Institut transnational. Les opposants à ce traité soulignent le bouleversement que cela entraînerait, toujours au bénéfice des multinationales. En matière de production, par exemple, les normes européennes sont plus élevées (ainsi les O.G.M. sont interdits), idem pour la santé publique, qui proscrit ici les viandes aux hormones ; de la même manière dans la protection de l’environnement, certains pays européens comme la France interdisent l’exploitation des gaz de schiste. Dans le domaine social aussi, l’Europe est plus exigeante. Des syndicats américains rappellent que les Etats-Unis n’ont pas ratifié toutes les normes élaborées au sein de l’O.I.T. – l’Organisation Internationale du Travail – et que les services publics sont dans le collimateur des multinationales, en particulier le service éducatif. Tout cela est dangereux pour l’Europe.
Mais qu’en est-il de l’impact sur les pays du Sud, appelés « Pays en voie de développement » ? En créant la plus grande zone de libre-échange au monde, les Etats-Unis et l’Union Européenne modifient l’évolution du commerce international et changent la donne dans les négociations multilatérales et bilatérales. Cet accord risque de pousser encore plus loin la libéralisation pour tous les autres traités bilatéraux dans le monde, là où les pays du Sud sont toujours en position de faiblesse, comme on le voit dramatiquement pour le Mexique dans le traité « Alena » -accord de libre-échange nord-américain - entre Etats-Unis, Canada et Mexique. Ce serait aussi un danger pour l’agriculture et la souveraineté alimentaire de ces pays, puisque le renforcement des capacités exportatrices de cet ensemble Europe-U.S.A. se fera au détriment des produits agricoles du Sud, aggravant leur dépendance et encourageant la spécialisation régionale qui est à l’origine de l’élimination des petites cultures vivrières, de l’appauvrissement des sols et de la pollution des eaux. Ce sera aussi un risque de réduction des recettes fiscales des pays du Sud, par la contrainte induite d’aligner leur niveau de protection douanière sur les règles de cet accord. La plus grande menace est le volet investissement, entièrement au service du profit : ainsi le règlement des conflits d’intérêts entre investisseurs et Etats serait porté devant des juridictions privées qui favoriseraient les investisseurs et leurs profits, en l’absence de toutes notions de responsabilité sociale des entreprises ou d’éthique des affaires. Enfin, on assisterait à une dérégulation et à un dumping social, environnemental et fiscal, puisque ce qui est prévu est une harmonisation des normes USA-Europe, renforçant la concurrence. Gommer les différences en matière de normes sanitaires, sociales, fiscales et environnementales conduira à une course vers le moins disant social et environnemental, et les pays européens, comme les pays du Sud, se verront forcés de s’aligner sur les normes agro-industrielles américaines. C’est ce qui explique l’opposition à ce projet opaque, d’un regroupement de 40 associations, syndicats et partis, dans un collectif atteignable sur : « collectifstoptafta.org ».