• logo_rcf_rivages.JPGChaque semaine,  Jean-Michel Lastennet tient une chronique de quelques minutes sur l'antenne RCF Rivages.
    Cette chronique est une forme de plaidoyer pour le développement et la solidarité avec les pays du Sud et de l'Est, c'est pourquoi, avec l'accord de RCF Rivages, nous la reproduisons ici.

  • Un Sommet Climat de New York qui s’engage dans l’impasse de l’agrobusiness.

    Le 23 septembre dernier, le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki Moon a organisé un Sommet sur le climat qui visait à mobiliser le plus haut niveau des responsables politiques –chefs d’Etat et de gouvernements, dont François Hollande – et à servir de rampe de lancement pour les discussions sur un nouvel accord climatique international. L’agriculture devait faire l’objet d’une attention particulière. Si bon nombre d’organisation non gouvernementales se félicitent que la communauté internationale prenne enfin en considération les multiples liens entre climat, agriculture et sécurité alimentaire, elles s’inquiètent des modèles agricoles et systèmes agro-alimentaires qui sont promus. Les O.N.G. comme Action contre la Faim, le C.C.F.D.-Terre Solidaire, le C.R.I.D., Oxfam-France, le Secours Catholique-Caritas France, interpellent le chef de l’Etat français, puisque ce Sommet, d’il y a 15 jours, devrait aboutir et être finalisé lors de la conférence Climat qui se tiendra à Paris en décembre 2015 (sous l’appellation COP21), en passant par Lima, au Pérou, en décembre 2014 (sous l’appellation COP20). Force est de constater que les Etats ne semblent pas prendre au sérieux cette opportunité de s’engager courageusement à la hauteur des enjeux.

    En effet, cette conférence de New York a lancé une alliance mondiale qui prend en compte le lien entre changement climatique, agriculture et sécurité alimentaire. Elle a pour nom : «Global Alliance for Climate-smart agriculture », que l’on traduit par : « Alliance globale pour une Agriculture intelligente face au Climat ». Cette alliance ne constitue pas la réponse attendue, puisqu’elle se fonde sur un concept qui tolère des pratiques agricoles aux impacts sociaux et environnementaux négatifs, comme l’utilisation des O.M.G. ou l’usage massif de pesticides et d’intrants chimiques, concept qui est d’ailleurs « généreusement » repris à leur compte par les grands acteurs privés de ces secteurs : les multinationales. D’autre part, cette « Alliance globale pour une Agriculture intelligente face au Climat » n’apporte aucune garantie en termes de respect des droits humains, à commencer par le droit à l’alimentation, y compris des populations les plus vulnérables. Enfin, elle occulte la priorité qui doit être donnée aux agricultures familiales paysannes, pour répondre tant au défi climatique qu’à l’enjeu de sécurité alimentaire et nutritionnel. Le flou entretenu sur ses objectifs et ses modalités de gouvernance laissent au contraire craindre qu’elle se transforme en un espace d’influence par les multinationales des politiques agriculture/climat, ainsi qu’un lieu de labellisation d’investissements privés, s’inscrivant dans la logique du modèle de développement agricole dominant, basé sur l’intensification, les cultures d’exportation et l’utilisation des biotechnologies et de la pétrochimie.

    Les O.N.G. de développement, aussi bien du Nord que du Sud, s’inquiètent de la mise en place de cette « Global Alliance for Climate-Smart Agriculture », en l’absence d’un cadre de gouvernance lisible et transparent, d’exigence de retombées claires pour l’ensemble des parties prenantes, et d’une réelle prise en compte de la voix des premiers concernés, à savoir les petits exploitants du Sud. Que dire de la contradiction des engagements de la France qui co-organisait il y a trois semaines un symposium à Rome, conjointement avec l’organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture –la F.A.O. -, sur le thème de l’agro-écologie ? Cette agro-écologie qui doit permettre le maintien d’une agriculture productive, permettant d’assurer des rendements réguliers et optimisant l’utilisation des ressources locales, tout en réduisant les impacts environnementaux et socioéconomiques des pratiques intensives. Au Sommet de la Terre de 2002, Jacques Chirac déclarait : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ! ». Ne pourrions-nous pas ajouter aujourd’hui : « … et nous laissons toute latitude aux porteurs de lance-flammes ! ».