Les Etats Généraux de Migrations lancés le 23 novembre dernier se terminent, c'est un processus dans lequel sont impliqués des centaines de collectifs et d’associations locales ou nationales présentes sur le terrain aux côtés des personnes étrangères.
Partout en France, ces acteurs se concertent et organisent des événements publics pour dénoncer la politique actuelle et être force de proposition afin d’obtenir un changement radical de la politique migratoire.
Les débats s'organisent autour de trois thèmes : dénoncer les situations inacceptables, montrer les mobilisations existantes et proposer des solutions.
Dans les Vosges la rencontre c'est déroulée le 7 avril à Bourse du Travail à ÉPINAL
en Présence d’ Amnesty international, Asil-accueil 88, CCFD terre Solidaire 88, Ligue des droits de l’Homme 88, Horizon, Jonas 88, St Cyrille Epinal, Secours Catholique 88, CGT 88 ; et de Migants.
CONTRIBUTION DU COLLECTIF D’ASSOCIATIONS AUX
ETATS GENERAUX DES MIGRATIONS DANS LES VOSGES 7 AVRIL
Près de 1 200 personnes migrantes sont exilées et « accueillies » momentanément ou plus durablement dans le département des Vosges *
DENONCER L’INACCEPTABLE
- Vivre à l’hôtel : les conditions de vie y sont dans bien des cas inacceptables, surtout avec des enfants ; les personnes vivent à 4 parfois 5 dans la même chambre ; les sanitaires sont communs, rarement individualisés ; le plus souvent, il est compliqué, voire impossible, de faire à manger et de faire la lessive. Le coût est exorbitant pour la société. De plus, certains hôtels sont situés dans des lieux isolés, inaccessibles pour le ravitaillement, la scolarisation, le suivi médical, les démarches administratives.
- Subir les pressions liées à la circulaire Collomb : depuis décembre 2017, les familles qui vivent dans des logements ou chambres d’hôtel payées par l’Etat, sont convoquées par la Préfecture ; trois fonctionnaires (service des étrangers, Office Français pour l’Immigration et l’Intégration, Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de Protection des Populations) demandent aux personnes déboutées de quitter leur hébergement et de retourner dans leur pays. Le ton et les mots de ce message sont menaçants et annoncent des mesures qui mettent dans une grande angoisse les adultes et les enfants présents à l’entretien (expulsion du logement avec intervention des forces de police puis retour forcé dans le pays d’origine).
- Faire face au parcours du combattant pour les primo arrivants confrontés à la complexité et à la démultiplication des démarches administratives pour accéder au statut de demandeur d’asile: à leur arrivée dans les Vosges, ils sont le plus souvent accueillis par les bénévoles avant d’être pris en charge pour leur hébergement par une structure sociale sollicitée par le 115 ; l’angoisse de ces personnes est extrême, renforcée par les difficultés de communication ; la plupart n’ont pas d’argent, et n’accèdent difficilement aux aides possibles pour la nourriture, les vêtements, les soins, l’école ; cela prend souvent beaucoup de temps pour se mettre en place. Pour mettre en place des actions urgentes liées aux besoins essentiels de la vie, l’engagement des bénévoles est considérable en termes de temps, d’énergie et de contribution financière.
- Se soumettre aux 3 rendez-vous administratifs donnés à Epinal, puis à Metz, puis à Epinal à nouveau, rendez-vous obligatoires. Les transports ne sont pas pris en charge financièrement ; ce sont donc souvent les associations qui paient essence ou billets de train. Par ailleurs, honorer le rendez-vous à Metz quand les personnes sont logées à 2h30 de route (ou 3h30 en bus + train) relève de l’exploit, qui n’est possible que lorsque les bénévoles consacrent une journée complète à cet accompagnement.
- Se confronter à l’errance et aux déracinements successifs : au fil du déroulement des procédures, les personnes doivent changer d’hébergement (hôtels, logements, foyers) : la migration continue … avec toutes les ruptures qu’elle entraine dans la scolarisation, l’adaptation à un quartier, une ville, les relations sociales et amicales ainsi qu’avec le soutien qui s’est construit avec les aidants ; parfois les courriers administratifs ne suivent pas, soit parce que non transmis (ou transmis trop tard) par les services sociaux ou administratifs ; cela peut avoir des conséquences graves, par exemple une famille n’ayant pas reçu sa convocation à l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides) se voit notifier quelques semaines plus tard un refus de traitement de son dossier de demandeur d’asile par l’OFPRA (dossier non étudié pour défaut de présence à la convocation !); cette famille est déboutée sans avoir pu présenter son dossier à l’OFPRA. Tous les recours ont été négatifs.
- Être considéré comme un possible fraudeur quand on est mineur isolé, réfugié ici pour demander protection après avoir fui des réalités insoutenables et subir les délais d’attente d’évaluation en restant plusieurs mois sans réelle prise en charge ni accompagnement, sans scolarisation ni couverture sociale, parfois logé dans des hôtels éloignés de tout.
- Supporter la lenteur des réponses administratives et en même temps le coût des documents administratifs, lorsque la régularisation est obtenue : 340 euros pour un visa de régularisation + 269 euros pour les timbres fiscaux soit 609 euros par personne majeure.
- Ne pas retrouver tous ses droits, malgré l’obtention du statut de réfugié ou le bénéfice d’une protection subsidiaire : l’accès à l’emploi est difficile car les diplômes d’origine ne sont pas reconnus, et l’expérience professionnelle non prise en compte.
- Ne pas accéder, alors que les conditions sont réunies, à une régularisation et à un titre de séjour au titre de la circulaire Valls de novembre 2012 que ce soit au titre de la « vie privée et familiale », au titre de la « maladie » ou au titre de l’activité professionnelle même s’il y a promesse d’embauche, ou que la personne est embauchée avec un contrat… alors que les circulaires Cazeneuve et Collomb sont strictement appliquées par les Préfets.
- Ne pas être respecté dans sa dignité et subir les humiliations et le rejet : toutes ces personnes, primo arrivantes, en cours de procédure de demande d’asile ou déboutées, ne sont pas seulement confrontées à un avenir incertain mais aussi à des conditions de vie précaires et parfois indignes ; le sentiment d’être rejetés s’ajoute à l’indignité d’être dépendant des aides financières et caritatives, et entraine des perturbations psychologiques fréquentes, tant pour les adultes que pour les enfants.
VIVRE ENSEMBLE ET CONSTRUIRE UN AUTRE DISCOURS
- Ce qui est positif
- De multiples initiatives créatrices de liens et de fraternité : des réunions, des rassemblements, des débats, des échanges culturels et sportifs, organisés avec d’autres partenaires locaux
- Deux années de suite a eu lieu une manifestation « regards croisés » : témoignages de migrants et d’accueillants, atelier et exposition de peinture et de photos, échange musical de « chez eux et de chez nous » et travail avec le musée de l’immigration de Paris « histoire de l’immigration à travers la BD et le cinéma »
- Atelier de conte multilinguistique et échange culinaire avec témoignage de leurs parcours migratoires
- Fête de la musique, fête de fin d’année
- Sorties ballades en familles
- Après-midis jeux
- Fête du 1er mai « fête de la solidarité »
- Des conférences
- Des témoignages de migrants dans les établissements scolaires
- Une disponibilité un engagement des associations caritatives qui portent les valeurs de l’accueil : Conférence Saint Vincent de Paul, Croix Rouge, Restos du Cœur, Secours Catholique, Secours Populaire, pour des actions et des aides individuelles et collectives. Dans certaines de ces associations, les migrants peuvent faire du bénévolat.
- Un engagement financier du Conseil Départemental des Vosges (aide sociale à l’enfance) suite au désengagement de l’Etat en 2016.
- Un excellent accueil du milieu scolaire.
- Un enjeu, celui de l’accueil des migrants, provoquant réflexion et engagement au niveau de plusieurs communautés, notamment catholiques, musulmanes et protestantes. Exemple d’une mise à disposition d’une cuisine pour les familles vivant en hôtel sans possibilité de cuisiner.
- Une mise en réseau des associations et collectifs d’accueil des migrants au niveau du département
- Le défi de l’Association 100 pour 1 : création dans un village d’une association qui récolte des fonds auprès de 100 personnes (5 euros par mois), pour louer un logement communal et le mettre à disposition d’une famille déboutée (engagement de la municipalité, implication des habitants du village pour l’aide aux devoirs et associer la famille à la vie locale…)
- Une maison de l’intégration (multi culturelle) mise à disposition par une municipalité : atelier de cuisine, couture, français, massage de bébés, gymnastique du corps et de l’esprit, sortie de neige, atelier de dessin pour les enfants et toute autre intervention qui favorisent le rapprochement et le dialogue tout au long de l’année.
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PROPOSITIONS POUR CHANGER DE REGARD
- Accueillir comme une chance la diversité des cultures et des parcours.
- Ouvrir des maisons de l’intégration ouvertes à tous et gérées par des bénévoles avec des fonds publics
- Favoriser le partenariat avec les autres associations ; mutualisation des moyens.
- Créer des moments et des lieux d’échanges et de débats avec les responsables religieux, associatifs, et les élus ; les inviter aux manifestations et fêtes accueillant les migrants.
- Faire mieux connaitre la réalité de la migration au grand public : articles de journaux, cercles de silence
- Donner des informations dans les écoles, du primaire à la fac.
PROPOSITIONS POUR UNE POLITIQUE ALTERNATIVE
- Accueillir dignement les demandeurs d’asile : création de centres d’accueil pour permettre un accueil stable dans de bonnes conditions pendant les semaines ou les mois qui précédent l’envoi de la demande d’asile à l’OFPRA ; pour permettre de faire toutes les démarches ; pour permettre une sécurisation psychologique après l’épreuve du départ du pays d’origine. Apporter une aide financière pour les transports obligatoires pour se rendre à Metz et Epinal.
- Mettre un terme à la procédure Dublin.
- Supprimer la notion arbitraire de pays sûrs (ex : les Pays des Balkans sont considérés comme pays sûrs, alors que leur demande d’adhésion à la Communauté Européenne est refusée au motif de l’insuffisance de droits).
- Abolir le délit de solidarité
- Favoriser l’apprentissage du français dès l’arrivée des migrants sur le territoire français et tout au long de leur séjour en France : donner des moyens en termes de lieux, de matériel, et de formation des bénévoles.
- Ouvrir le droit au travail.
- Faciliter les régularisations sur décision du Préfet, notamment au regard des dispositions prévues par la circulaire Valls.
- Abroger les circulaires Cazeneuve et Collomb.
- Reconnaitre le travail bénévole des associations et créer une cellule de concertation départementale.
- Décentraliser les services de l’OFPRA et de la CNDA.
- Respecter les principes fondamentaux des droits humains à toutes les étapes de procédure : liberté de circuler, de subvenir à ses propres besoins et à ceux de ses enfants et droit au logement, à l’éducation et à la santé.
- Assurer la gratuité des transports liés aux procédures imposées
Collectif constitué à ce jour de :
Amnesty International, Asil’Accueil 88, CCFD-Terre Solidaire, C.G.T., Comité Antiraciste de Gérardmer, Conférence Saint Cyrille Épinal, Horizon, Jonas-Vosges, Ligue des Droits de l’Homme, MRJC, Secours catholique, Vivre ensemble Mirecourt
ÉTAT DES LIEUX
Ce sont actuellement plus de 1.200 personnes migrantes exilées et « accueillies » momentanément ou plus durablement dans le département des Vosges, dont :
- 297 familles
- 531 enfants
- 180 mineurs isolés
- 70 jeunes hommes
24 nationalités sont représentées au sein des différentes familles concernées, dont :
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