Guy Aurenche, ou le « Pari de la fraternité » à Strasbourg

Guy Aurenche est une personnalité au parcours original qui n’use pas de la langue de bois. Il s’est très tôt investi dans la défense des droits de l’Homme en tant que président l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), puis la fédération internationale liée à ce mouvement. Il a été membre de la Commission Justice et Paix (Eglise catholique de France ), président de l’association des lecteurs de La Vie(les Amis de La Vie) et il est le président du CCFD-Terre solidaire depuis 2009.

A la veille de la journée de collecte publique pour le CCFD-Terre solidaire, il est venu à Strasbourg mercredi 11 décembre pour une conférence débat : « La solidarité internationale : le pari de la fraternité ».

Il a bien voulu répondre à nos questions :

- Guy, en tant que président du CCFD-TS vous avez écrit il y a un peu plus d'un an avec F. Soulage, président du Secours Catholique un livre d'entretiens avec Aimé Savard journaliste, pourquoi cette démarche commune, et pourquoi ce titre, "Le pari de la fraternité" ?

Écrire un livre à deux voix revient à souligner une démarche commune réalisée selon des modalités différentes.

L’existence de deux associations est souvent perçue comme source de déperdition de forces, voire de concurrence. Il n’est est rien entre nos deux mouvements. C’est la même défense de la dignité de la personne humaine qui nous inspire. C’est la même Bonne Nouvelle chrétienne qui vivifie notre démarche. Les modalités d’action sont différentes. Les membres du CCFD-Terre Solidaire partent de la pratique de la solidarité internationale pour découvrir son lien avec les situations françaises. Pour le Secours catholique, c’est le mouvement inverse. La fraternité est d’abord une découverte : se découvrir frères-sœurs est l’œuvre de toute une vie.

La fraternité est un horizon qu’il faut construire peu à peu ici et là-bas à travers le monde.

C’est pourquoi nous parlons d’un pari : rien n’est gagné à l’avance, mais tout est possible.

- A en croire l’actualité nationale, avec les Roms, et internationale, avec les migrants de Syrie, de Lampedusa, ce pari ne semble pas remporté d’avance. Qu’est-ce qui vous laisse croire aujourd’hui qu’il peut être gagné ?

Accepter l’autre dans la vie personnelle et dans les réalités sociales n’est jamais chose aisée.

Chacun a envie de l’autre et en même temps l’autre dérange. Le pari de la fraternité n’est jamais gagné à l’avance. Il nous faut prendre les moyens de le relever. Et cela n’est pas un gadget. C’est une nécessité ! Nous vivons une étape radicalement nouvelle : la réalité de la mondialisation. Celle-ci créé une « interdépendance » qui est lourde à accepter.

Nous devons choisir entre la concurrence guerrière qui vise à éliminer l’autre : c’est la guerre. Ou, nous pouvons « laisser faire » et souhaiter que « le meilleur gagne ». Cela signifie que les plus pauvres perdent : c’est la marginalisation d’une partie de l’humanité.

Ou encore, le partenariat s’impose non comme un rêve mais comme la plus réaliste des manières de construire le monde contemporain : c’est le choix de la fraternité incarnée.

Oui, ce pari peut être gagné : les partenaires du CCFD-Terre Solidaire, à travers le monde, démontrent qu’une telle coopération est possible.

- Le CCFD-TS a participé activement à la dynamique « Diaconia 2013»(Service du frère) de l’Eglise de France , qu’est ce qui devrait changer pour que la fraternité soit vécue comme « le cœur de la foi des chrétiens aujourd’hui ? »

Chacun est invité à approfondir ses convictions et sa foi. Celle-ci n’est pas une doctrine.

Elle invite à répondre à un appel qui nous est lancé, à chacun.e : Tu es aimé ! Tu es capable d’aimer ! Laisse l’amour diriger ta vie !

Les messages du pape François vont dans ce sens.

La difficulté pour nombre de croyants en Dieu est double :

- accepter que la réponse à cet Amour nous conduit à un engagement social (politique) pour que cet horizon ne reste pas au ciel ! qu’il s’incarne, en particulier pour faire reculer effectivement toutes formes de misère

- et également permettre aux plus pauvres d’être vraiment présents dans la vie de nos communautés.

Faire avec et non pas faire pour !

Diaconia a monté que cela est certes difficile, mais possible.

- Le CCFD-TS, pour la seconde année consécutive, communique à contre-courant dans sa campagne d’Octobre et met en lumière les bonnes nouvelles des pays du Sud. Est-ce que la fraternité passe par ce changement de regard sur les autres ?

Changer de regard permet de se découvrir frères-sœurs. L’autre n’est plus une menace, mais un secours possible, un co-opérant indispensable. Changer de regard revient à faire de l’autre un partenaire. C’est bien la dynamique de la solidarité qui s’impose. Oui les « pauvres ont des idées ! » Oui, là où des communautés se prennent en charge au service du développement de chaque personne et de la personne toute entière, les résultats positifs sont au rendez-vous.

Les plus pauvres ne se demandent pas s’il faut être optimistes ou pessimistes : ils refusent l’inacceptable et se mettent au travail.

 - le CCFD-TS lance une campagne d'appel aux dons avec une quête publique le 15 décembre, quelques jours avant votre venue, pourquoi et pour qui cette opération avant Noël ?

Deux objectifs dans cette opération de Noël lancée par le CCFD-Terre Solidaire. Bien sûr réunir des fonds sans lesquels rien n’est possible. Mais aussi et surtout, mettre la solidarité internationale au cœur de nos festivités de Noël. En cette période de « crises » chez nous, il est urgent de souligner la dimension internationale que doit prendre, aussi, notre solidarité généreuse. Alors allons-y et parlons-en ! L’appel à la générosité et à la rencontre avec les partenaires des pays pauvres ne doit pas se limiter aux murs des églises. Il faut sortir sur les places publiques et partager l’Espérance de ceux qui ont décidé que la misère n’a pas le dernier mot.

N’est-ce pas un beau message pour Noël ?


POUR FAIRE UN DON ENCORE EN 2013

http://ccfd-terresolidaire.org/mob/nous-soutenir/