Égalité pour les femmes (et les filles !) : une avancée pour tous

Sabine Pallas

Chaque année, le 8 mars, la Coalition internationale pour l’accès à la terre célèbre la journée internationale de la femme. Le thème de cette année porte sur « l’égalité pour les femmes : une avancée pour tous », qu’illustre parfaitement l’histoire de Lydia, une jeune femme rencontrée récemment à l’occasion de la Route de l’apprentissage organisée par l’ILC et Procasur au Rwanda.

Lydia est une jeune femme brillante et dynamique, dont la vie est marquée par la lutte, la délivrance et la transformation. Âgée aujourd’hui de 25 ans, Lydia perd ses parents alors qu’elle n’en a que 14. Les frères de sa mère, finissent par l’adopter ainsi que ses deux frères (dont l’un n’était âgé que de quelques mois à l’époque) pour leur éviter de grandir dans un orphelinat, mais les considèrent comme un fardeau, trois bouches de plus à nourrir.

En grandissant, Lydia demande à gérer les terres qui avaient appartenu à sa mère, mais ses oncles l’ignorent et lui disent de s’adresser à la famille de son père, car ils se sentent en droit de garder le contrôle sur les terres de leur sœur décédée.

Lydia confie alors ses déboires à l’une de ses amies à l’école. Et le hasard fait bien les choses : la mère de son amie a suivi une formation dispensée par Rwanda Women Network (RWN), une organisation non gouvernementale humanitaire rwandaise ayant pour mission de promouvoir et d’améliorer le bien-être économique et social des femmes depuis 1997. Elle entend donc parler de leur programme pour aider les femmes et les filles à défendre leurs droits de succession.

RWN propose de payer les frais de justice de Lydia et désigne un assistant juridique pour l’aider à défendre ses intérêts. À l’époque, Lydia fréquentait encore l’école et ne pouvait assister au long processus juridique. Elle remet donc un pouvoir de représentation à l’assistant juridique, l’autorisant à agir en son nom et à la représenter en son absence.

Lydia et l’assistant juridique rencontrent la famille de sa mère en février 2010, et se heurtent à une vive opposition. Mais la présence d’un assistant juridique de RWN à ses côtés représente le point de départ du succès de Lydia et lui permet de montrer à ses oncles que les droits de succession des filles ne peuvent plus être ignorés.

Finalement, l’affaire est portée devant les Abunzi locaux, des comités communautaires de médiation créés par le Bureau de gouvernance du Rwanda en 2006 pour résoudre les conflits opposant les membres d’une même communauté. En septembre 2010, après sept mois de procédure longue et fastidieuse, Lydia obtient enfin ses droits sur les terres concernées.

Mais sa relation avec la famille de sa mère a souffert. Lydia en veut à ses oncles de l’avoir obligée à se battre pour ce qui lui revenait de droit, tandis que ses oncles l’accusent de nuire à leur réputation au sein de la communauté. Elle décide de vendre la terre et d’acheter un autre terrain pour mettre de la distance entre elle et sa famille et repartir de zéro.

Lydia termine ses études secondaires, participe à une formation sur les techniques modernes d’agriculture (organisée par USAID) et commence à produire des légumes et des herbes (choux, poivrons, haricots, piment, persil).

Elle me confie vouloir aller à l’université d’ici deux ans. « L’agriculture est ma passion », m’affirme-t-elle.

Lydia est une agricultrice accomplie et sa production dépasse ses besoins et ceux de ses frères (11 et 18 ans), dont elle prend soin depuis la mort de ses parents. Elle vend le reste de sa production sur le marché local afin de payer leur internat.

Lydia ne s’est pas contentée de revendiquer ses droits, de devenir agricultrice et d’aider ses frères. Elle a également créé un club d’auto-amélioration qu’elle a nommé « Umukisi vision », afin de montrer aux autres jeunes femmes comment elle a transformé sa terre en un atout de production et de leur prouver que la prostitution n’est pas la seule solution pour survivre. Son club aide également les mères et les femmes âgées pendant l’umuganda, le service communautaire mensuel obligatoire.

Dans le cadre d’un programme gouvernemental visant à encourager la création de potagers, son club aide également gratuitement les femmes jeunes et les pauvres à créer des potagers, à condition que celles qui ont réussi reversent 50 000 francs rwandais (environ 75 dollars US / 55 euros) au club. Par ailleurs, le club a instauré un fonds de crédit et de prêt de petite échelle, auquel les membres contribuent à hauteur de 250 francs rwandais (0,4 dollars US / 0,3 euros) pour investir dans des activités génératrices de revenus. Le groupe bénéfice aujourd’hui d’un capital de 300 000 francs rwandais, soit 450 dollars US / 330 euros.

Lydia est très reconnaissante aux assistants juridiques de la communauté qui l’ont aidée et à la RWN de lui avoir ouvert la voie, en défendant ses droits de succession, à une situation qu’elle n’avait jamais crue possible.

Cela fait trois ans que Lydia a acheté sa terre et quitté la maison de ses oncles. Au début, elle a décidé de ne pas revenir afin d’éviter le conflit, mais a souhaité plus récemment se réconcilier avec la famille de sa mère. Elle leur a rendu visite, leur a raconté son histoire et leur a montré comment elle avait réussi. Elle leur a montré comment créer leur propre potager. Finalement, Lydia et ses jeunes frères ne sont pas le fardeau tant craint par sa famille. Cette année, ils se sont même rendus chez elle pour fêter la nouvelle année, et Lydia est ravie de cette réconciliation.

Lydia n’a pas fini de faire parler d’elle. Grâce à sa propre autonomisation, cette jeune femme a facilité l’autonomisation de nombreuses personnes autour d’elle. Elle est la voix d’une nouvelle génération qui exige l’égalité pour les femmes, et a de grandes ambitions.
 
P.S. : Du 4 au 11 février derniers, un groupe de participants très divers provenant de 15 pays ont participé à la Route de l’apprentissage « Approches et outils innovants visant à sécuriser les droits fonciers des femmes », organisée par l’ILC et Procasur. Nous nous sommes rendus au Rwanda et au Burundi pour apprendre les uns des autres et tirer des enseignements des actions menées par les membres et partenaires de l’ILC, y compris Rwanda Women’s Network. Pour plus d’informations, voir http://landportal.info/content/learning-route-innovative-tools-and-approaches-securing-womens-land-rights-rwanda-and-burund.