Interview - Corine Chabaud pour La Croix à l'occasion des 50 ans du CCFD-Terre Solidaire
 
Longtemps à la tête de l’Acat (Action des chrétiens contre la torture), Guy Aurenche, 64 ans, préside le CCFD-Terre solidaire, depuis 2009, quand il a cessé d’être avocat. À l’occasion du 50e anniversaire de la création du Comité catholique contre la faim et pour le développement, il revient sur l’histoire de cette ONG.

Comment travaille le CCFD concrètement ?

Nous procédons par approche globale des situations. Pas question pour nous de prendre la place de groupes locaux, nous préférons en faire des partenaires. L’idée est plutôt de les appuyer et de les accompagner. Nous les aidons à acheter du matériel, à assurer des frais de fonctionnement. Mais notre apport financier reste modeste. Le budget annuel du CCFD atteint 42 millions d’euros. Il se compose à 90 % de dons de particuliers. Nous sommes présents sur tous les continents, dans 72 pays. Historiquement, nous avons d’abord travaillé en Afrique, puis très vite en Amérique latine. Aujourd’hui, nous sommes implantés à part égales sur ces deux continents, et un peu moins en Asie.

Quelles sont vos missions essentielles ?

Nous voulons d’abord éviter de désespérer de la mondialisation. Dans un monde interdépendant, trois attitudes sont possibles. La violence, c’est je te mange. Le néolibéralisme, c’est que le meilleur gagne. La solidarité, c’est tous ensemble. Nous défendons ce troisième comportement. Une nécessité réaliste pour cons¬truire l’avenir du monde, en économie, finance, éducation. Nous nous appuyons sur des releveurs d’humanité. Des hommes et des femmes ¬pauvres, parfois menacés, qui trouvent encore la force de partager, de s’entraider. J’étais récemment dans le Nord-Kivu. J’y ai rencontré des femmes extraordinaires, qui ont créé des lieux d’écoute pour des femmes violées. Ou des paysans qui ont mis sur pied des mutuelles de solidarité. Les partenaires du CCFD sont souvent des anonymes capables de créer un tissu social fraternel. Ceux-là même qui savent se tenir en enfer sans désespérer. C’est mon credo personnel, nourri du souffle de la foi.

En quoi consiste votre action en France ?

Nous tâchons de faire de l’éducation au développement, pour pousser à l’évolution des mentalités. Exemple : notre campagne Bouge ta planète. L’idée est de faire comprendre comment un jean est fabriqué, au Mexique, en Inde : par des enfants ou des adultes sous-payés. Nous émettons aussi des plaidoyers sur des ¬thèmes précis. Par exemple, sur l’agriculture, pour faire prendre cons¬¬cience que le travail des paysans doit d’abord servir à nourrir les populations. Ou sur les paradis fiscaux, car 125 milliards d’euros échappent à l’impôt. Nous lançons des travaux d’expertise, incitons au contact avec des autorités, par des lettres envoyées à des députés et à des banquiers.

Quels sont les défis pour ce XXIe siècle ?

Donner des pistes pour la création d’instances de régulation de la mondialisation. Faire en sorte que les releveurs d’humanité soient entendus dans ces instances. Approfondir les convictions. Appeler les hommes à être des spirituels actifs. Et inviter la jeunesse à se montrer solidaire. À chacun d’inventer le vivre ensemble du futur.