Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, rejoint la tribune pour présenter son initiative “4 pour 1000”, dont José Graziano da Silva, directeur général de la FAO, signe la déclaration commune de soutien.

Après une première journée de travail consacrée aux discours de quelque 150 chefs d'État et de gouvernement, le Parc des expositions du Bourget ouvrait ses portes, mardi 1er décembre, au flot des 40 000 personnes accréditées pour la COP 21, ainsi qu'à une cascade d'initiatives gouvernementales et privées.

À la tribune du Pavillon France, bondé, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll lance officiellement son « 4 pour 1000 », soulignant à l'envi la simplicité de l'idée : alors que les sols de la planète, par le recyclage permanent de la matière organique qu'ils opèrent, constituent le plus important réservoir de carbone de la planète, il suffirait d'accroître l'efficacité de cette captation naturelle d'un taux de 4 pour mille seulement (soit 0,4 pour cent) pour compenser intégralement les émissions humaines de gaz carbonique (CO2) responsables du dérèglement climatique !

Avec un « triple bénéfice », explique le ministre, en particulier grâce à la restauration des 30 % de sols dégradés sur la planète par des pratiques culturales plus vertueuses : l'atténuation du dérèglement climatique, une meilleure sécurité alimentaire pour les agriculteurs (plus de carbone dans les sols, c'est une fertilité accrue), et une moindre sensibilité de l'agriculture au dérèglement climatique.


Dans un ballet bien réglé, ministres étrangers et responsables institutionnels se succèdent pour saluer l'initiative. Oui mais… « Depuis six mois, nous tentons, en vain, d'obtenir des réponses à nos préoccupations », commente Maureen Jorand, chargée de plaidoyer sur les questions de souveraineté au CCFD-Terre solidaire. Quel cadre, quels critères pour ce « 4 pour 1000 » que Stéphane Le Foll compte promouvoir activement en Afrique dès janvier prochain ?

Une monoculture brésilienne de soja OGM destinée à l'exportation, si elle contribue à accroître la teneur des sols en carbone (par des techniques annexes) pourrait-elle être soutenue par le « 4 pour 1000 » ?
Rien ne s'y oppose, a constaté Peggy Pascal, d'Action contre la faim, l'une des deux organisations, avec le CCFD-Terre solidaire admises au comité de pilotage de l'initiative pour le compte du collectif Coordination Sud. « Sur le modèle de la Global alliance for climate smart agriculture (Gacsa) que nous combattons, le “4 pour 1000” parle de changer les pratiques culturales mais se garde de préciser ses intentions, critique Maureen Jorand. On assiste jusqu'à présent à une opération de communication qui vise l'échelon planétaire. »

Quid des critères fonciers (pour éviter l'accaparement des terres), des barrières à la spéculation financière (via des marchés de carbone), de règles saines d'attribution de fonds de soutien, de la promotion de l'agroécologie (chère à Stéphane Le Foll), de la participation des agriculteurs du Sud (pas invités), d'un mécanisme de suivi et de redevabilité (pour réorienter le projet si besoin) ?

« Au bout de six mois de sollicitations, nous n'avons décroché que ces sièges d'observateurs au comité de pilotage, ainsi que l'annonce par le ministre, au Pavillon France, qu'une structure de gouvernance comprenant des ONG serait mise en place en 2016, alors que la machine est déjà lancée à toute vapeur », s'inquiète Maureen Jorand.

Patrick Piro

Pour en savoir plus :

Voir le communiqué de presse du CCFD-Terre solidaire sur l'initiative "4 pour 1000"

Voir dans notre dossier d'information Faim et Dérèglements climatiques, des explications sur les "fausses solutions"