Lisette Prost qui en est la responsable, a souhaité fêter les vingt ans de présence à Lourdes de l’Espace Rencontre CCFD Terre Solidaire, par une série de manifestations, films, débats, et conférences autour du thème « Etre acteur de justice et de paix face au conflit Israélo-Palestinien », faisant ainsi écho à un axe fondamental de réflexion et d’action du CCFD-Terre Solidaire. Le vendredi 26 juillet trois témoins venus d’Israel et de Palestine, se sont exprimés dans les locaux de l’Espace Rencontre, rue du Bourg à Lourdes, devant les journalistes et une quarantaine de personnes venus les écouter. J’ai eu le privilège d’être de leur nombre. Nous avons entendu d’abord Violette Khoury, de Nazareth, fondatrice de l’association SABEEL, mouvement œcuménique puisant les principes de sa réflexion et de son action dans la thélogie de la libération. Les circonstances de sa vie ont fait que Mme Khoury a traversé, de sa naissance à aujourd’hui, onze guerres successives. Cela suffit à expliquer son engagement pour la cause de la paix mais une paix, précise-t-elle, à laquelle chacun peut travailler où il vit et avec les moyens dont il dispose sans jamais l’attendre des détenteurs de l’autorité et du pouvoir. En réponse à la question du « vivre-ensemble », Mme Khoury affirme qu’elle se considère comme un élément d’une vaste mosaïque à l’harmonie de laquelle contribue la présence de chacun : l’absence d’une seule nuit à l’unité et à la beauté de l’ensemble. A cela s’ajoute la richesse que donne selon elle la pluralité : les différences et singularités de chacun sont moins, ou devraient moins être, une occasion de division que d’enrichissement de tous : l’autre m’aide à prendre conscience de ma propre spécificité et de mon identité. A la condition toutefois, conclut-elle, d’accepter l’autre comme il est, au lieu de l’espérer conforme à ce que je voudrais qu’il soit. Le Père Johnny Abu Khalil, prêtre du patriarcat latin exerçant actuellement son ministère à Naplouse, lui succède. Pour lui, la Terre Sainte n’est appellée ainsi que parce que Christianisme, Islam et Judaïsme s’y côtoient, sans oublier les Samaritains présents à proximité de Naplouse. A ses yeux, manquerait-il une seule de ces religions que cette terre ne pourrait plus être considérée comme « sainte ». Il estime fondamental le rôle du patriarcat latin dans le dialogue noué entre les chrétiens minoritaires et les musulmans largement majoritaires au sein du peuple palestinien. (Il n’y a plus de Juifs à Naplouse). L’Autorité Palestinienne et ses Représentants ont également une politique très ouverte à l’égard des Chrétiens dont ils favorisent et protègent l’existence par leur présence régulière aux grands rassemblements de la communauté chrétienne. Nombreuses sont les écoles de Naplouse qui accueillent indistinctement des élèves chrétiens et musulmans. Pour le Père Khalil, cette situation favorise la connaissance mutuelle, condition sine qua non de la paix à construire. Plus encore, l’école du Père Khalil est mixte et cela lui semble un élément constitutif d’un mieux vivre ultérieur où toutes les différences de religion, de sexe, de milieu, de culture, mieux connues, mieux comprises et mieux acceptées ne seraient plus un obstacle mais au contraire un élément favorable à des rapports pacifiés non seulement entre communautés mais au sein de chacune d’elles. Le dernier à s’exprimer est Michel Washavsky, Juif israélien né en France, journaliste et militant pour la paix. Il a fondé et préside l’AID (Centre d’Information Alternative) qui regroupe plusieurs mouvements pacifistes israéliens et palestiniens. Interrogé lui aussi sur la question du « vivre ensemble », il considère son mouvement comme un antidote à la philosophie ambiante de la séparation des communautés et à la logique du chacun pour soi, chacun chez soi, dans des entités aussi homogènes ethniquement et religieusement que possible. Cette façon de penser va très exactement à l’encontre du « vivre ensemble » dont la recherche lui paraît la seule option possible pour les Juifs israéliens vivant au milieu de millions d’Arabes qui, dit-il, sont chez eux : les Juifs israéliens mènent une politique colonialiste au lieu, assène-t-il de chercher les moyens « de ne pas être vomis par cette terre dont ils n’ont pas su se montrer dignes. » Les enfants palestiniens des générations à venir connaîtront encore des jours difficiles et des moments douloureux, mais ils sont chez eux. Michel Washavsky est en revanche davantage inquiet pour ses propres petits-enfants dont il aimerait qu’ils puissent continuer à vivre dans ce pays où ils sont nés et qu’il a appris à aimer depuis plus de cinquante ans qu’il y habite. Vivre ensemble, conclut-il, suppose de lutter contre les murs dans les têtes et ce ne sont pas les plus aisés à faire tomber. J’ai aimé cette unanimité des trois intervenants dont l’âge, le vécu et les modalités d’action diffèrent mais qui tous s’accordent à dire qu’il n’y a pas d’autre solution pour le pays dont ils viennent que l’instauration de la paix. Tous trois pensent que cette paix passe par la connaissance de l’autre, la juste reconnaissance de ses droits et de sa dignité. Tous trois estiment aussi qu’il appartient à chacun de travailler à cette paix qui ne viendra pas d’autre chose que des efforts de chacun pour faire qu’elle existe. Enfin, ils nous ont appelé à prendre notre part dans cette marche vers l’avènement d’un monde où chacun pourra vivre libre et égal à chacun. Choisir ce sujet pour fêter le vingtième anniversaire de la présence à Lourdes de l’Espace Rencontre du CCFD-Terre Solidaire, suppose une belle audace chez Lisette Prost : la question est suffisamment complexe et traversée, ici comme là-bas, de multiples considérations souterraines qui l’empoisonnent pour que, comme beaucoup d’autres, je salue son initiative, la confiance dont elle a fait preuve et qu’elle a inspirée à celles et ceux qui, avec elle, ont fait remarquablement exister ce projet. De plus, elle a su réunir des intervenants de qualité dont l’engagement convaincu au service de l’instauration de la paix permet que les femmes et hommes de bonne volonté puissent à la fois croire que c’est là chose possible et trouver des raisons d’y travailler. Il n’est pas douteux qu’avec Lisette Prost aux commandes, l’Espace Rencontre CCFD-Terre Solidaire de Lourdes saura encore éveiller nos consciences, nous proposer de belles occasions de réfléchir et d’agir pour faire naître un monde en paix parce que juste. Pour tout cela, toutes mes félicitations et l’expression de ma gratitude pour ce beau travail. Jean-François Guiraud Directeur de Pèlerinages de Besançon