De notre correspondant

« Le danger est à nos portes »

Ils sont plus de 3000, venus des neufs pays de l’Amazonie. Sous le chapiteau érigé au cœur de l’Université Rurale, une partie d’entre eux ont pris place dans les gradins, le visage grave. Côte à côte, les Tukano, Sateré Maué, Tuyuca, Marubo, Maioruna, Dessana, Arara, Apurinã et autres Baniwa ont oublié un temps que chacun a sa culture, ses rites, ses croyances pour réaliser l’union sacrée. « Car le danger est à nos portes », explique Maria Miquelina, porte-parole des Tukanos. Déforestation, production minière, identité, souveraineté territoriale…
« La réalité vécue par les indigènes est tragique mais hélas beaucoup de personnes n’ont pas encore compris que cette lutte ne se limite pas à la survie des 522 peuples traditionnels, mais bien à celle de l’humanité toute entière. »
 
D’où le lancement, hier, lors de la journée panamazonienne, de la campagne « Peuples Indigènes de l’Amazonie, Présent et Futur de l’Humanité. » Objectif ? « Nous voulons affirmer l’importance des peuples indigènes pour le futur de l’Humanité et de l’Amazonie, explique Roberto Espinoza, un des leaders qui coordonne la participation des peuples indigènes au FSM. Mais aussi combattre les offensives menées contre les droits des peuples indigènes à vivre sur leurs terres, selon leurs mode de vie. » Concrètement, la campagne se prolongera en avril avec des actions simultanées dans plusieurs villes de l’Amazonie, puis par des actions auprès des politiques. Histoire de repousser le danger le plus loin possible.

Jean-Claude Gérez - Journaliste


Entretien avec Bernard Pinaud


Bernard-Pinaud.jpgBernard Pinaud a participé à tous les Forums Sociaux Mondiaux depuis leur création en 2001. Un moment important dans la vie du CCFD, que le Directeur de la vie associative souhaite partager avec des bénévoles.



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Article sur « Syndicat UTG de Guyane »

Quand nous avons su qu’une délégation guyanaise était présente au FSM de Belém, nous étions nombreux à manifester un vif intérêt pour assister à leurs exposés. Car avec un territoire (Département d’Outre-Mer) en Amazonie, ces français-amazoniens ont une place légitime au sein de ce FSM. Avec la nuance de taille par rapport à nous (de métropole), d’être au cœur des questions qui sont soulevées pas uniquement pendant le temps du Forum, mais bien toute l’année.

L’un des ateliers que nous avons écouté était organisé par le syndicat UTG, un des principaux en Guyane. Durant nos 3 heures d’échanges, leurs exposés et les questions du public nous ont permis de passer en revue bon nombre de thématiques critiques : droit des peuples autochtones, enjeux culturels, conflits pour l’or, droit à la terre, question de l’indépendance, immigration clandestine, dommages environnementaux, ….

En synthèse, le message de ces guyanais venait informer et sensibiliser sur les contradictions dans lesquelles se trouve l’Etat français sur ce territoire amazonien. Par exemple avec le fait que la convention de 1969 sur les droits culturels n’a pas été ratifiée par la France. Nous sommes ressortis de cette rencontre avec la conscience que le mode de relation entre les autorités françaises, les peuples locaux et les pays voisins ne présage pas d’un avenir « sans histoire » pour ce DOM. Des actions de démocratie participative sont programmées prochainement par l’UTG afin de mieux collecter, puis relayer les attentes populaires en tenant compte de la grande diversité du peuple guyanais.

Eric Lebon (CCFD Nantes)


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Rencontre avec nos partenaires du SPP
Souriants, motivés et pleins d’espoir, Charles, Katharina, Jan et Patrick, tous les quatre membres du SPP (Surplus People Project), nous racontent les raisons de leur venue à Belém et leurs attentes pour le FSM.
Le SPP est une ONG d’Afrique du Sud qui agit pour l’accès à la terre des paysans et pour le développement de l’agriculture paysanne dans leur pays.
« Ce que nous voulons, c’est s’engager dans le mouvement plus global de la souveraineté alimentaire et cela bien au-delà de notre pays », nous rapporte Charles WILLIAMS, l’un des dirigeants du SPP. Les quatre Sud-Africains attendent beaucoup de ce Forum, pour tisser des liens avec d’autres organisations, témoigner de leur expérience et montrer qu’il existe un réseau local des agriculteurs ruraux et que celui-ci peut peser dans leur pays. Patrick STEENKAMP affirme modestement « ce que nous faisons ne va peut-être pas toujours dans la bonne direction. Le SPP est une organisation très jeune, nous voulons voir comment d’autres organisations de producteurs s’organisent ». Et d’ajouter « c’est la raison pour laquelle le CCFD et le SPP nous ont envoyés ici. »
Le Forum commence et déjà nous retrouvons nos quatre délégués à la rencontre des paysans sud américains. Grace à eux et à beaucoup d’autres, le mouvement des paysans du monde a encore de beaux jours devant lui.

Hugo Vandamme
Militant du CCFD à Lille


Manituba

A 15 minutes de Belém, une banlieue précaire qui accueille 120 000 habitants dans des quartiers informels à perte de vue… Petites maisons de brique sans eau, sans assainissement, le long de larges rues droites entre terrains vague, cimetières (très bien entretenus), et bribes de forêt.

Témoigner en quelques lignes, mais de quoi ?...
Du sourire de cette jeune femme qui vit à 50 m d’une décharge à ciel ouvert, avec les allez-retours incessants des camions.
Du silence des patientes dans la salle d’attente du dispensaire de Santa Clara où les médecins mettent parfois des mois à revenir assurer les consultations.
Du sentiment d’abandon de ces jeunes qui nous attendent dehors pour expliquer que, sans école ni travail, l’avenir qui s’ouvre à eux est en 3D : désœuvrement, débrouillardise, délinquance.
Du rôle essentiel de l’atelier de capoeira, qui a investi l’école primaire, neuve mais vide faute de profs.
Du vide laissé par la rivière morte à côté de l’exploitation familiale bio, dans laquelle l’un de nos guides plongeait enfant et dont il a constaté la soudaine disparition quand il a voulu s’y baigner avec son fils : « on a beau être en Amazonie, c’est pas pour ça qu’on ne manque pas d’eau ».
De l’énergie de nos guides, tous engagés dans la vie sociale et dans des associations… et tous des cibles potentielles de la violence. Ce quartier immense n’est pas complètement oublié des pouvoirs publics : le précédent gouverneur l’a rebaptisé en lui donnant son nom, une sorte de reconnaissance officielle pour tous ces terrains sans statut d’occupation légale. Les habitants, allez savoir pourquoi, continuent à appeler leur quartier « Che Guevara ».

Arnaud Bourotte,
bénévole du CCFD à Nancy.