Après l’annulation de la grande marche climatique de Paris prévu le dimanche 29 novembre, la Coalition climat 21, collectif qui regroupe quelque 130 organisations (dont le CCFD-Terre solidaire), s’est tant bien que mal résolu à ne pas laisser vide le pavé entre République et Nation : il y aurait une chaîne humaine, occupation douce de la voie publique finalement tolérée par la préfecture de police, pour signifier, main dans la main, la solidarité des citoyens dans la lutte pour le climat. Avec en mémoire aussi les victimes des attentats du 13 novembre, dont nombre sont tombées le long de ce parcours, boulevard Voltaire.

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Chaîne humaine pour la justice climatique ©Patrick Piro / CCFD-Terre Solidaire

Au point de retrouvaille fixé deux heures plus tôt par le CCFD-Terre Solidaire à la délégation Ile de France située près de Jussieu, on fait connaissance. Une soixantaine de sympathisants partagent leur motivation. « Je suis effarée de constater combien les gens ignorent l’enjeu du climat, autour de moi ! », s’élève Isabelle.

Pour Julie, pas question de passer à côté de la mobilisation, même si elle reste modeste sur sa portée. « Une chaîne humaine ? Ça va pas changer le système… » dit-elle. Herman se sent porteur d’un message : « Il faut que chaque individu prenne conscience qu’il doit changer son mode de vie et son regard sur la nature. »

Café, brioche, clémentines. Philippe Tournaud, délégué régional du CCFD-Terre Solidaire, rappelle le socle de la position de l’association. « À la COP 21, on va surtout parler de limiter les émissions de CO2. Mais notre message va bien au-delà : il faut changer le système ! L’enjeu climatique, c’est la défense de la souveraineté alimentaire, la dénonciation des “fausses solutions” souvent mortelles, et la promotion des alternatives, qui portent l’espoir et notamment pour nos partenaires du Sud. »

On se sert en autocollants et en badges pour barder manteaux et pantalons. Direction station Charonne, le tronçon du parcours dévolu aux « solutions » (1). Pas de banderoles, avait dit la préfecture. On trichera un peu, en brandissant une partie du matériel préparé depuis un an par une dizaine de jeunes, en particulier des panneaux portant des messages livrés par des paysans du Sénégal, du Guatemala, d’Inde, du Brésil, etc. « Cultivons sans pousser à bout la Terre mère », « Nous plantons les semences pour une génération nouvelle », « Avec l’agriculture familiale, nous pouvons vivre », « Nous reboisons pour nous nourrir, nourrir les oiseaux, et même les abeilles ».

Puis on retourne de grands rectangles portant chacun une lettre : « On lâche rien ! », le slogan emblématique du groupe HK et les Saltimbanks, aussi déterminé qu’une banderole. Un succès : la mobilisation aura déplacé près de 10 000 personnes, évaluent les organisateurs.

À 12h30, un cri collectif « pour faire entendre notre voix », puis les bras levés « à deux mains » avant dispersion, pour donner un rendez-vous « à demain » sans concession aux délégations qui engagent au Bourget les négociations de la plus cruciale des COP de l’histoire de la bataille climatique. Un rayon de soleil, poignée de secondes unique dans une matinée grisâtre, ajoute un clin d’œil.

Patrick Piro